En 86 j'ai écrit "à l'attention de M. Gourdain, Syndic des Garnier Frères, Cabinet de Me Henri Gourdain, 174 bv St-Germain, 6e, Tel 45 44 1322, demandant un tuyau sur le mns de l'histoire de la versification mais crois me rappeler n'avoir pas eu de réponse (ou une quasi vide).

 

 

OBITUAIRE

Philippe Martinon

 

 

   1. Faire-part

 

   Philippe Martinon nous a quittés: c'est toujours les meilleurs qui s'en vont. Il avait pris la peine de naître dans la ville de Chalon sur Saone, comme en témoigne cet extrait des registres de l'état-civil (qui ne porte pas trace du décès):

 

   Le 24 juillet 1859, à 11 heures du matin par devant Nous, Charles Lepine (...) a comparu Emilie Casteleyn veuve Vanhove, accoucheuse (...) laquelle en présence de Claude Brusson, concierge, âgé de 52 ans et de Jean Rossi, vitrier, âgé de 36 ans, nous a déclaré (...) que Françoise Martinon, propriétaire, célibataire, âgée de 21 ans, domiciliée au Creusot, est accouchée hier soir à 11 heures au domicile de la dame Vanhove, Place de Beaune, d'un enfant naturel du sexe masculin, qui nous a été présenté et auquel il a été donné les prénoms de Philippe Emile Jean-Claude (...) (Mention marginale: L'enfant désigné ci-contre a été reconnu par Françoise dite Mathilde Martinon, suivant acte reçu Maître Gautheron, notaire à Chalon sur Saône le 12 septembre 1863).

 

   En réponse à un appel publié par B. de Cornulier et Nicolas Ruwet dans Le Français Moderne, Mlle J. Cassagnau, ancienne conservateur à la Bibliothèque universitaire de Toulouse, a signalé au C.E.M. qu'elle avait facilement reconstitué la carière de Philippe Martinon en dépouillant le Bulletin administratif de l'instruction publique)); nous lui devons l'essentiel des  renseignements suivants:

   Philippe Martinon, bachelier-ès-lettres, "commence à enseigner comme suppléant de philosophie au collège d'Annecy. En décembre 82, licencié-ès-lettres, il est professeur de philosophie au collège d'Etampes, puis d'Alençon, d'Autun... Agrégé de grammaire en 1891, il est nommé professeur de lettres au lycée de Brest en 93 et professeur de 3e au lycée d'Alger en octobre 96 où il restera jusqu'à sa retraite.

   Un an après avoir soutenu sa thèse le 8 mars 1912 <52 ans>, il prend sa retraite ("Mr Martinon, professeur de 3e au lycée d'Alger, en congé, est admis sur sa demande et comme hors d'état de continuer ses fonctions, à faire valoir ses droits à une pension de retraite, à dater du 1er janvier 1913", suivant le Bulletin administratif de l'instruction publique).

 

 

   2. Martinon poète?

 

   Marc Dominicy nous signale ce passage de l'anthologie des Poètes nouveaux par G. Walch (Paris, Delagrave, 1923):

 

   "M. Emile-Charles Moussat, né le 26 juin 1885 à Alger (...) élevé de 1886 à 1894 à Paris puis de 1894 à 1901 à Alger, au lycée". "Elève de seconde, M. Emile Moussat fondant, avec quelques camarades, un journal, La Pensée Libre, qui existe encore. Il y écrivait des vers et eut la chance de rencontrer, sur la route universitaire, des poètes tels que Martinon, dont la thèse de doctorat, Les Strophes, est un instrument technique fort utile, et qui traduisait en vers tous les auteurs de l'antiquité". "Bachelier en 1902".

  

   Outre les jugements normatifs des Martinon dans ses Strophes, du genre, ce vers ou cette strophe de Hugo "n'est pas un vers" ou "n'est pas une strophe", nous avions un aperçu de son tempérament poétique par ses traductions de pièces antiques. Nous avons notamment retenu cette immortelle platitude métrico-vestimentaire, sans doute prêtée à Euripide:

 

Elle choisit des vêtements d'étoffes rares.

 

 

  3. Histoire de la versification française depuis la Renaissance?

 

   Jean-claude Chevalier nous signale que selon le service des contrats de la Maison Larousse (M. Vianney de Laboulaye)[1], Martinon serait mort en 1917. Qui saurait trouver sa trace (il faudrait chercher d'abord dans la région parisienne, puisqu'il a dédié un ouvrage à sa femme, "parisienne de Paris", lui, "parisien de province"), et, qui sait, le travail, dont la citation suivante peut faire rêver.

 

   Début de l'"Avertissement", signé "G. F.." (Garnier frères), de l'édition des Les Poésies de Malherbe, "texte publié pour la première fois d'après les éditions revues et corrigées par Malherbe et disposé dans un ordre nouveau par Philippe Martinon avec une introduction par Maurice Allem et des notes de Maurice Allem et Philippe Martinon", chez Garnier à Paris en 1926:

 

"La présente édition des oeuvres de Malherbe a été conçue et préparée par M. Philippe Martinon, le savant auteur de tant de remarquables travaux sur la versification et la poésie française, au premier rang desquels est cette thèse sur les Strophes (...). Parmi les ouvrages que cet inlasable érudit a laissés inachevés sont une volumineuse Histoire de la versification française depuis la Renaisance (qu'il annonçait dès 1912, lorsqu'il publiait sa thèse dont elle eût été un précieux complément) et une édition, laborieusement et soigneusement préparée, des Poésies de Malherbe (...)".

 

   A en juger par l'étude des Strophes, on peut imaginer que ce manuscrit est irremplaçable et vaut la peine de quelques recherches...

 

 

Renato REBOUDIN

 

 

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Quelques publications de Martinon[2]

 

 

Traductions en vers

publiées chez l'auteur ou à la Librairie Fontemoing, Paris

 

1897, Les amours d'Ovide. [300 exemplaires]

?       Les drames de Sophocle (Œdipe roi, Œdipe à Colonne, Antigone 1900).

1904, Les drames d'Eschyle, Alger, chez l'auteur, 200 exemplaires traduction jugée assez sévèrement dans le Mercure de France de mai-juin 1909.

?       Electre.

1905, Les élégies de Tibulle, 500 exemplaires.

1907, Les drames d'Euripide, vol.1 Alceste, Hécube, Hippolyte, vol.2 les deux Ipgigénies, Médée.

 

 

Autres

 

[1905] Dictionnaire méthodique et pratique des rimes françaises, précédé d'un traité de versification. Larousse, nombreux tirages. [s. d., copyright 1915 pour la 5e éd.]

1907, "L'hiatus". Revue des poètes, juin, juillet, août.

1909, "Le trimètre: ses limites, son histoire, ses lois". Mercure de France 77 p. 620-639 et 78 p. 40-58, février-mars.

1909, "La genèse des règles de Jean Lemaire à Malherbe". Revue d'Histoire Littéraire de la France.

1909-10, "Notes sur Maynard et Urfé". RHLF, janvier.

1912, Les strophes, Etude Historique et critique sur les formes de la poésie lyrique en France depuis la Renaissance à nos jours, avec une Bibliographie chronologique et un Répertoire général, Champion. [Bref compte rendu de cette thèse par Jean de Gourmont dans le Mercure de France, juillet-août 1912.]

1913, "Les innovations prosodiques chez Corneille", RHLF.

1913, 2e édition de Comment on prononce le français, Traité complet de prononciation pratique avec les noms propres et les mots étrangers. Larousse.

?,      Comment on parle en français. Larousse. [postérieur au précédent]

1913, "Quelques mots sur l'alexandrin: à propos d'une thèse de phonétique expérimentale". Revue des cours et conférences, 2e série, p. 300-307.

1926, Les poésies de Malherbe. Texte publié pour la première fois d'après les éditions revues et corrigées par Malherbe. Paris: Garnier. Ed. préparée par Philippe Martinon, terminée après sa mort par Maurice Allem.

 



[1]Je n'ai pas vérifié ce point; les "Martinon" que j'ai repérés à Chalon par l'annuaire téléphonique ignorent "Philippe" Martinon.

 

[2]Trop paresseux pour faire une bibliographie sérieuse de Martinon, je n'ai jamais réussi à convaincre un étudiant d'être moins paresseux que moi.