OBITUAIRE
Philippe Martinon
1. Faire-part
Philippe Martinon nous a quittés: c'est toujours les
meilleurs qui s'en vont. Il avait pris la peine de naître dans la ville de
Chalon sur Saone, comme en témoigne cet extrait des registres de l'état-civil
(qui ne porte pas trace du décès):
Le 24 juillet 1859, à 11 heures du matin par
devant Nous, Charles Lepine (...) a comparu Emilie Casteleyn veuve Vanhove,
accoucheuse (...) laquelle en présence de Claude Brusson, concierge, âgé de 52
ans et de Jean Rossi, vitrier, âgé de 36 ans, nous a déclaré (...) que
Françoise Martinon, propriétaire, célibataire, âgée de 21 ans, domiciliée au
Creusot, est accouchée hier soir à 11 heures au domicile de la dame Vanhove,
Place de Beaune, d'un enfant naturel du sexe masculin, qui nous a été présenté
et auquel il a été donné les prénoms de Philippe Emile Jean-Claude (...)
(Mention marginale: L'enfant désigné ci-contre a été reconnu par Françoise dite
Mathilde Martinon, suivant acte reçu Maître Gautheron, notaire à Chalon sur
Saône le 12 septembre 1863).
En réponse à un appel publié par B. de Cornulier et Nicolas Ruwet
dans Le Français Moderne, Mlle J.
Cassagnau, ancienne conservateur à la Bibliothèque universitaire de Toulouse, a
signalé au C.E.M. qu'elle avait facilement reconstitué la carière de Philippe
Martinon en dépouillant le Bulletin
administratif de l'instruction publique)); nous lui devons l'essentiel
des renseignements suivants:
Philippe Martinon, bachelier-ès-lettres, "commence à
enseigner comme suppléant de philosophie au collège d'Annecy. En décembre 82,
licencié-ès-lettres, il est professeur de philosophie au collège d'Etampes,
puis d'Alençon, d'Autun... Agrégé de grammaire en 1891, il est nommé professeur
de lettres au lycée de Brest en 93 et professeur de 3e au lycée d'Alger en
octobre 96 où il restera jusqu'à sa retraite.
Un an après avoir soutenu sa thèse le 8 mars 1912 <52 ans>,
il prend sa retraite ("Mr Martinon, professeur de 3e au lycée d'Alger, en
congé, est admis sur sa demande et comme hors d'état de continuer ses
fonctions, à faire valoir ses droits à une pension de retraite, à dater du 1er
janvier 1913", suivant le Bulletin
administratif de l'instruction publique).
2. Martinon poète?
Marc Dominicy nous signale ce passage de
l'anthologie des Poètes nouveaux par G.
Walch (Paris, Delagrave, 1923):
"M. Emile-Charles Moussat, né le 26 juin
1885 à Alger (...) élevé de 1886 à 1894 à Paris puis de 1894 à 1901 à Alger, au
lycée". "Elève de seconde, M. Emile Moussat fondant, avec quelques
camarades, un journal, La Pensée Libre,
qui existe encore. Il y écrivait des vers et eut la chance de rencontrer, sur
la route universitaire, des poètes tels que Martinon, dont la thèse de
doctorat, Les Strophes, est un
instrument technique fort utile, et qui traduisait en vers tous les auteurs de
l'antiquité". "Bachelier en 1902".
Outre
les jugements normatifs des Martinon dans ses Strophes, du genre, ce vers ou cette strophe de Hugo "n'est
pas un vers" ou "n'est pas une strophe", nous avions un aperçu
de son tempérament poétique par ses traductions de pièces antiques. Nous avons
notamment retenu cette immortelle platitude métrico-vestimentaire, sans doute
prêtée à Euripide:
Elle
choisit des vêtements d'étoffes rares.
3. Histoire de la versification française
depuis la Renaissance?
Jean-claude Chevalier nous signale que selon
le service des contrats de la Maison Larousse (M. Vianney de Laboulaye)[1], Martinon serait mort en
1917. Qui saurait trouver sa trace (il faudrait chercher d'abord dans la région
parisienne, puisqu'il a dédié un ouvrage à sa femme, "parisienne de
Paris", lui, "parisien de province"), et, qui sait, le travail,
dont la citation suivante peut faire rêver.
Début de
l'"Avertissement", signé "G. F.." (Garnier frères), de
l'édition des Les Poésies de Malherbe,
"texte publié pour la première fois d'après les éditions revues et
corrigées par Malherbe et disposé dans un ordre nouveau par Philippe Martinon
avec une introduction par Maurice Allem et des notes de Maurice Allem et
Philippe Martinon", chez Garnier à Paris en 1926:
"La
présente édition des oeuvres de Malherbe a été conçue et préparée par M.
Philippe Martinon, le savant auteur de tant de remarquables travaux sur la
versification et la poésie française, au premier rang desquels est cette thèse
sur les Strophes (...). Parmi les
ouvrages que cet inlasable érudit a laissés inachevés sont une volumineuse Histoire de la versification française
depuis la Renaisance (qu'il annonçait dès 1912, lorsqu'il publiait sa thèse
dont elle eût été un précieux complément) et une édition, laborieusement et
soigneusement préparée, des Poésies
de Malherbe (...)".
A en juger par l'étude des Strophes,
on peut imaginer que ce manuscrit est irremplaçable et vaut la peine de
quelques recherches...
Renato
REBOUDIN
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Quelques
publications de Martinon[2]
Traductions
en vers
publiées
chez l'auteur ou à la Librairie Fontemoing, Paris
1897,
Les amours d'Ovide. [300 exemplaires]
? Les
drames de Sophocle (Œdipe roi, Œdipe à Colonne, Antigone 1900).
1904, Les drames d'Eschyle, Alger, chez l'auteur, 200 exemplaires traduction jugée assez
sévèrement dans le Mercure de France
de mai-juin 1909.
? Electre.
1905,
Les élégies de Tibulle, 500 exemplaires.
1907,
Les drames d'Euripide, vol.1 Alceste, Hécube, Hippolyte, vol.2 les
deux Ipgigénies, Médée.
Autres
[1905] Dictionnaire méthodique et pratique des
rimes françaises, précédé d'un traité de versification. Larousse, nombreux tirages.
[s. d., copyright 1915 pour la 5e éd.]
1907,
"L'hiatus". Revue des poètes,
juin, juillet, août.
1909, "Le
trimètre: ses limites, son histoire, ses lois". Mercure de France 77 p. 620-639 et 78 p. 40-58, février-mars.
1909, "La genèse
des règles de Jean Lemaire à Malherbe".
Revue d'Histoire Littéraire de la France.
1909-10,
"Notes sur Maynard et Urfé". RHLF,
janvier.
1912, Les strophes, Etude Historique et critique
sur les formes de la poésie lyrique en France depuis la Renaissance à nos
jours, avec une Bibliographie chronologique et un Répertoire général,
Champion. [Bref compte rendu de cette thèse par Jean de Gourmont dans le Mercure de France, juillet-août 1912.]
1913, "Les
innovations prosodiques chez Corneille", RHLF.
1913, 2e édition
de Comment on prononce le français,
Traité complet de prononciation pratique avec les noms propres et les mots
étrangers. Larousse.
?, Comment
on parle en français. Larousse. [postérieur au précédent]
1913,
"Quelques mots sur l'alexandrin: à propos d'une thèse de phonétique
expérimentale". Revue des cours et
conférences, 2e série, p. 300-307.
1926, Les poésies de Malherbe. Texte publié pour
la première fois d'après les éditions revues et corrigées par Malherbe.
Paris: Garnier. Ed. préparée par Philippe Martinon, terminée après sa mort par
Maurice Allem.